Articles publiés par le Dr Jean-Luc Mergui dans Gynéco-online

Cancer du col (in situ ou invasif) : le rĂ´le des hormones ?

Le cancer invasif du col utérin est dans le monde la quatrième cause de cancer chez la femme avec prés de 528.000 cas par an et 266.000 décès. L'infection persistante par les papillomavirus et notamment par les génotypes dits à haut risque est la cause nécessaire mais probablement pas suffisante dans la genèse des précurseurs du cancer du col et dans leur évolution vers l'invasion. Il est probable que d'autre facteurs soient impliqués dans les processus  de la carcinogenèse cervicale: une possible susceptibilité génétique ou immunitaire? la multiparité, l'utilisation de traitements hormonaux comme les oestroprogestatifs contraceptifs ont été parfois incriminés. Une très large étude prospective conduite par l'IARC [International Agency for Research on Cancer (IARC)]: l'EPIC study [European Prospective Investigation into Cancer] incluant 521.448 participants dont 367.993 femmes recrutées sur 10 pays européens entre 1992 et 2000 ont permis de retrouver, 1,065 lésions cervicales dont  261 cancer invasifs et  804 lésions de haut grade (CIN3/CIS) dont 95% étaient des lésions malpighiennes (712 in situ et 189 invasives) et 52 ( soit 5%) étaient des lésions glandulaires (9 in situ et 43 invasive).
Si l'on compare les femmes porteuses de lésions cervicales aux témoins indemnes, les patientes atteintes sont plus souvent: séparées ou célibataires, fumeuses, et utilisant une contraception orale.
Les auteurs ont en fait ici cherché à évaluer le rôle des hormones qu'elles soient endogènes (grossesses) ou exogènes (pilule ou THM).
Ainsi le risque de CIN3 est significativement augmenté dès la première grossesse HR= 1.4 et  HR = 2.3 après 4 grossesses, de même l'âge à la première grossesse augmente également ce risque  (HR=1.2 pour une grossesse avant 20 ans) en revanche il semble non significatif pour les cancers invasifs tout en conservant la même tendance.

A contrario le nombre de fausses couches provoquées n'augmente pas le risque de lésions in situ mais significativement celui des cancers invasifs (HR=1.8 CI 1.2-3.2) après plus de 2 avortements.
Par ailleurs l'utilisation d'une contraception orale augmente significativement, à la fois le risque des lésions in situ et invasives et ce risque augmente avec la durée d'utilisation, par ailleurs il est intéressant de noter que l'arrêt de la contraception protège ensuite de ce risque et cela d'autant plus que cet arrêt se prolonge, comme si les hormones utilisées dans la contraception orale jouaient un rôle direct dans la promotion des agents transformants des HPV potentiellement oncogènes (ce qui semble avoir été démontré chez la souris ou sur des modèles cellulaires avec interaction des récepteurs nucléaires aux œstrogènes et à la progestérone). Ceci ne semble pas lié au risque d'exposition aux MST et donc aux HPV puisque sur la même population, l'utilisation des DIU n'augmente ni le risque des lésions in situ , ni celle des lésions invasives.
En revanche et curieusement le traitement hormonal substitutif de la ménopause (THM) n'augmente pas le risque de lésion in situ et semble même diminuer significativement celui des lésions invasives, cet effet d'ailleurs se majore avec la durée d'exposition au THM! la nature des oestroprogestatifs prescrits est peut-être en cause.

Les auteurs ont également testés ces paramètres dans la population présentant une sérologie positive pour les HPV et retrouvent les mêmes tendances à l'augmentation du risque significatif pour les grossesses, la contraception orale et la même diminution pour le THM notamment sur le cancer invasif.
Cette Etude Européenne menée par l'IARC confirme donc le rôle de la multiparité (peut-être par le biais d'une forte influence hormonale prolongées ou de la baisse immunitaire?) et de l'utilisation prolongée de la contraception orale dans le risque de survenue des lésions tant in situ qu'invasives probablement par le biais d'une interaction avec l'infection par les HPV ? Elle semble montrer qu' à l'inverse une contraception par DIU et un THM protègent plutôt de la survenue des ces lésions cervicales.

 

PLoS One. 2016 Jan 25;11(1):e0147029. doi: 10.1371/journal.pone.0147029. eCollection 2016.
The Influence of Hormonal Factors on the Risk of Developing Cervical Cancer and Pre-Cancer: Results from the EPIC Cohort.
Roura E1,2, Travier N3, Waterboer T4, de Sanjosé S1,2, Bosch FX1, Pawlita M4, Pala V5, Weiderpass E6,7,8,9, Margall N10, Dillner J6,11, Gram IT7, Tjønneland A12, Munk C13, Palli D14, Khaw KT15, Overvad K16, Clavel-Chapelon F17,18,19, Mesrine S17,18,19, Fournier A17,18,19, Fortner RT20, Ose J20, Steffen A21,Trichopoulou A22, Lagiou P23,24, Orfanos P22,23, Masala G14, Tumino R25, Sacerdote C26,27, Polidoro S28, Mattiello A29, Lund E7, Peeters PH30,31, Bueno-de-Mesquita HB32,33,34,35, Quirós JR36, Sánchez MJ2,37, Navarro C2,38,39, Barricarte A2,40,41, Larrañaga N2,42, Ekström J43, Lindquist D44, Idahl A45, Travis RC46, Merritt MA34, Gunter MJ34, Rinaldi S47, Tommasino M47, Franceschi S47, Riboli E34, Castellsagué X1,2.