Articles publiés par le Dr Jean-Luc Mergui dans Gynéco-online

Mastectomie controlatérale et mutations BRCA

Les patientes porteuses d’une mutation des BRCA 1 ou 2 ont un risque élevé (60 à 70%) de développer au cours de leur vie, un cancer du sein et ont par ailleurs un risque beaucoup plus élevé de développer un second cancer primitif du sein, d’où l’intérêt de proposer un traitement initialement non conservateur du sein atteint et peut-être d’envisager un geste non conservateur controlatéral.
Traditionnellement les études épidémiologiques de survie après cancer du sein font état des taux de survie à 5 & 10 ans car c’est au cours de ces périodes que la plupart des événements surviennent, mais chez ces patientes susceptibles de développer un second cancer primitif, cette durée peut paraitre un peu courte pour envisager les conséquences d’un éventuel second cancer pouvant apporter son lot d’événements indésirables pouvant obérer la survie.
Les auteurs (Canadiens : sur 12 centres) ont ici envisagé une étude rétrospective avec une surveillance sur 20 ans de 390 patientes ayant présenté un cancer du sein débutant (stade 1 ou 2) entre 1975 et 2009 dont la famille était porteuse d’une mutation connue des BRCA, traitées soit par mastectomie unilatérale, soit par un geste bilatéral non conservateur (réalisé soit d’emblée, soit dans un second temps rapproché : 181 patientes) dans le but de comparer les survies à long terme des 2 groupes. 79 patientes sont décédées de leur cancer au cours de la période d’étude (18 dans le groupe mastectomie bilatérale et 61 dans le groupe unilatéral). Après 20 ans de surveillance le taux de survie était de 88% dans le groupe mastectomie bilatérale et 66% dans le groupe mastectomie unilatérale, ce qui permet de mettre en évidence (après analyse multi variée ; taille de la tumeur, récepteurs, âge…) une réduction du taux de mortalité par cancer de 48% par la réalisation d’un geste controlatéral (HR= 0.52, 95% [CI 0.29 to 0.93]; P=0.03). Ce qui permet aux auteurs de considérer que, sur 100 femmes traitées pour un cancer débutant : 87 seront vivantes pares 20 ans en cas de mastectomie controlatérale, alors que seules 66 le seront dans le cas contraire.
Bien entendu cette étude peut donner lieu à de nombreuses critiques : il s’agit d’une étude rétrospective et le choix de la prise en charge n’a pas été randomisé, toutes les patientes étudiées n’étaient pas toutes porteuses d’une mutation prouvée (seules 87% d’entre elles), mais elle mérite de poser le problème de la prise en charge difficile de ces patientes qui doivent être informées de cette possibilité avec une éventuelle prise en charge psychologique et mais également esthétique dans le cadre de leur reconstruction à la fois physique (chirurgicale) et affective.

Contralateral mastectomy and survival after breast cancer in carriers of BRCA1 and BRCA2 mutations: retrospective analysis.

Kelly Metcalfe, Shelley Gershman, Parviz Ghadirian Henry T Lynch, Carrie Snyder, Nadine Tung, Charmaine Kim-Sing, Andrea Eisen, William D Foulkes, Barry Rosen, Ping Sun, Steven A Narod
BMJ 2014;348:g226 doi: 10.1136/bmj.g226 (Published 11 February 2014)