Articles publiés par le Dr Jean-Luc Mergui dans Gynéco-online

Les CIN2 peuvent-elles régresser ?

Les recommandations Françaises publiées par l’INCa proposent de traiter par excision les lésions histologiques de haut grade (c’est-à-dire les CIN2 & CIN3) en raison : d’une part du risque de sous évaluer une éventuelle invasion ou micro invasion ou même d’une lésion glandulaire associée, d’autre part d’analyser l’atteinte (ou pas) des berges de la pièce opératoire afin de vérifier l’ablation de la totalité de la lésion (et si possible rien que la lésion).

Mais cette recommandation thérapeutique a des conséquences obstétricales sur les grossesses futures des patientes en âge de procréer avec une augmentation significative du risque d’accouchement prématuré (surtout si la pièce opératoire a plus de 10mm de hauteur) et de ce fait il a été proposé une alternative de surveillance comme option thérapeutique chez les patientes présentant une lésion de haut grade à la condition que : les patientes soient jeunes, désireuses d’une grossesse future, présentent une lésion de petite taille (moins de 2 Quadrants), la ligne de jonction soit visualisée, il n’existe aucun signe de gravité en colposcopie et que les patientes acceptent le principe d’une surveillance semestrielle pendant une période de 2 ans maximum.

Peut-on avoir une attitude différente entre les CIN2 & les CIN3, dans la mesure ou le diagnostic différentiel n’est pas toujours aisé (ce qui justifie le regroupement des 2 lésions en lésion histologique de haut grade) les critères morphologiques anatomopathologiques différentiels parfois délicats peuvent être aidés par l’utilisation de la p16inka qui « colorera » les cellules sur 2 ou 3 tiers ?? de la hauteur de l’épithélium ?

Les auteurs, ici de nouvelle Zélande ont étudié le potentiel de régression de lésions dites de « CIN2 » curieusement uniquement chez des patientes de moins de 25 ans (alors même que le dépistage ne doit commencer qu’après 25 ans ?) mais l’intérêt ici de cette nouvelle étude sur les CIN2 est qu’elle est prospective, multicentrique et repose sur l’étude d’un nombre important de patientes : 604 lésions de CIN2 surveillées tous les 6 mois pendant 24 mois par cytologie, colposcopie et biopsie(s) de 2010 à 2016.

Parmi la totalité de ces patientes au terme des 2 ans : 53% ont confirmé une régression des lésions de CIN2 et parmi celles suivies selon le protocole ce chiffre monte à 64% [95% confidence intervalle, 60%-68%] ce qui est considérable ! Cependant il faut rappeler que les auteurs considèrent comme une régression, non pas la normalisation (ou négativation) du tableau cytologique, colposcopique ou même virologique, mais la disparition de la lésion de CIN2 qui peut donc être remplacée par une lésion de CIN1…

Les auteurs ont étudié surtout les facteurs qui pourraient favoriser cette régression, ainsi dans la population étudiée :
42 % des patientes n’avaient pas été préalablement vaccinées,
24 % étaient initialement porteuses d’un HPV 16 et 7% d’un HPV 18,
30 % étaient fumeuses ;
et… 10 % avaient une p16 négative sur la biopsie initiale ! (Ce qui peut laisser planer le doute sur un éventuel sur-diagnostique initial).

SI l’on considère les critères en uni variable, ceux favorisant significativement une éventuelle régression sont : 
une impression colposcopique de lésion de bas grade,
une petite taille de lésion (<0.5mm) avec une significativité de p<0,001,
moins significatif le tabagisme p=0,022,
de même une cytologie initiale de bas grade p=0,028
et curieusement non significatif un antécédant de vaccination HPV.

En définitive cependant en étude multi variée après ajustement les seuls facteurs significativement associés à une diminution de la régression sont :
un HPV 16 initial (RR=0.69 soit 31% de régression en moins (CI 0.56-0.86) p<0,001 ;
- et dans une moindre mesure le tabagisme RR=0.85 soit 15% de régression en moins (CI 0.72-0.99) p=0,038.

l faut bien sur considérer que cette étude ne concerne que les CIN2 chez des patientes uniquement de moins de 25 ans sur une période de 2 ans avec comme critère de régression : la disparition d’une lésion cytologique de haut grade, colposcopique et/ou une persistance d’une lésion de bas grade. Il faut aussi prendre en compte l’absence systématique de test HPV ou de génotypage initial ou même lors de la surveillance.

Les lésions de CIN2 sont réputées de meilleur pronostique que les CIN3 mais leur diagnostic est parfois difficile et n’est pas toujours reproductible, d’ailleurs les recommandations Françaises dans leur sagesse ne les différencient pas et laissent l’opportunité aux cliniciens de les surveiller dans des conditions strictes au niveau desquelles l’appréciation colposcopique a une part importante (petite taille lésionnelle, ligne de jonction visible et absence de signe de gravité), d’où l’importance de la qualité initiale de l’examen colposcopique dont les critères reposent aujourd’hui seulement en France sur ceux de la charte de qualité édictés par les 4 sociétés savantes (SFG, FNCGM, CNGOF et SFCPCV) et validés par l’INCa et l’HAS.

 

Predicting regression of cervical intraepithelial neoplasia grade 2 in women under 25 years.
Sykes PH, Simcock BJ, Innes CR, Harker D, Williman JA, Whitehead M, van der Griend RA, Lawton BA, Hibma M, Fitzgerald P, Dudley NM, Petrich S, Eva L, Bergzoll C, Kathuria J, McPherson G, Tristram A, Faherty J, Hardie D, Robertson A, Robertson V, Pather S, Wrede CD, Gastrell F, Fentiman G, John M, White E, Parker C, Sadler L.
Am J Obstet Gynecol. 2021 Sep 14:S0002-9378(21)01006-1.