Articles publiés par le Dr Jean-Luc Mergui dans Gynéco-online

Dépistage des HPV : Le futur s’écrit aujourd’hui

Depuis près de 60 ans, le dépistage (ou plus exactement la prévention) du cancer du col a bénéficié du désormais classique « FROTTIS » ou cytologie du col utérin qui a permis de réduire considérablement dans les pays occidentaux (grâce à sa diffusion), l’incidence du cancer du col par la prise en charge de ses précurseurs (CIN).
Mais depuis ces 20 dernières années la compréhension des mécanismes de la carcinogenèse a permis de mettre en évidence le rôle essentiel des papillomavirus ou HPV.
Le développement de la biologie moléculaire permet désormais de pratiquer des tests de recherche des HPV dans la routine clinique avec même possibilité de génotypage partiel ou total ce qui était encore il y a quelques années, uniquement réservé aux laboratoires de recherche. Cet essor formidable de la biologie moléculaire permet aujourd’hui de bouleverser nos habitudes cliniques. En effet, la sensibilité du frottis cytologique à dépister une lésion de haut grade du col utérin (étant de l’ordre de 60 à 70%) fait désormais pale figure devant celle des tests HPV qui est de l’ordre de 95%. Par ailleurs le rôle des HPV dans la carcinogenèse ne s’arrête plus au seul cancer du col, mais est également démontrée dans celle du vagin, de la vulve, de l’anus et au niveau ORL pour près de 30% des cancers oropharyngés chez la femme mais également chez l’homme, (longtemps considéré comme porteur sain et un peu oublié dans la cible des HPV).
Fort de ces considérations la plupart des pays ont commencé à changer leur politique de dépistage et de prévention. Ainsi, la France vient d’adopter de nouvelles stratégies :

A- En modifiant les principes du Dépistage comme l’HAS vient de le publier dans ses nouvelles recommandations :
-Frottis cytologique « classique » pour la femme jeune entre 25 & 29 ans avec 2 frottis à un an d’intervalle puis renouvelé après 3 ans, car chez ces femmes jeunes de moins de 30 ans, le portage des HPV est élevé (25 à 30%) et ne permet pas une sélection efficace (prévalence élevée de test positifs et valeur prédictive positive très basse), laissant toute sa place au frottis cytologique habituel.
-Frottis virologique ou TEST HPV entre 30 & 65 ans qui remplace désormais le frottis cytologique (avec une prévalence moyenne de tests HPV positifs plus basse dans cette tranche d’âge de l’ordre de 10 à 12%). Test qui ne sera réalisé que tous les 5 ans.
La valeur prédictive négative élevée du test HPV permettra de rassurer plus efficacement les patientes et ainsi d’espacer les tests (tous les 5 ans si HPV négatif). En revanche en cas de test HPV positif un triage cytologique permettra de sélectionner les patientes à adresser en colposcopie (voir recommandations HAS (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-09/synthese_et_recommandations_hpv.pdf). En effet sa Valeur prédictive positive (VPP) faible inférieure à 10% demande à sélectionner (ou trier) les patientes HPV positives. En France l’HAS a opté pour un triage cytologique en adressant en colposcopie toute anomalie supérieure ou égale à l’ASCUS. Dans l’avenir certains étudient le rôle potentiel de marqueurs biologiques pouvant évoquer la présence d’une infection transformante (génotypage avec notamment celui des HPV 16, rôle des ARN, méthylation des HPV ou encore cellulaire, présence de protéine p16 et/ou marquage du Ki67…). Ce nouveau paradigme de Dépistage va bouleverser nos attitudes cliniques et demande une formation actualisée des praticiens.
B- En organisant le Dépistage du cancer du col (DOCCU=Dépistage Organisé du Cancer du Col Utérin) afin d’améliorer la couverture nationale qui est aujourd’hui autour de 60 % (pour des taux de 75 à 85 % dans les pays où il est organisé) chiffres de couverture qui par ailleurs chutent après 50 ans. Cette organisation qui est confiée à des centres régionaux de coordination permettra de convoquer les femmes n’ayant pas réalisé de dépistage, colligera les résultats de ces tests afin d’améliorer la qualité du suivi, voire proposer des auto tests pour les récalcitrantes aux examens gynécologiques. En effet parmi les 3000 Cancers du col retrouvés en France : 70% n’ont jamais ou très irrégulièrement réalisé de dépistage et 20% n’ont pas eu de suivi adapté.  Facteurs qui pourront être corrigés par une organisation régionale.
-En proposant une surveillance post -thérapeutique centrée sur la persistance d’un HPV à Haut risque qui est le meilleur marqueur du risque de récidive, en allégeant ainsi celle des patientes HPV négatives.
C- En proposant que la colposcopie qui devient la pierre angulaire de tous les triages positifs (HPV persistants, cytologie ASCUS+) soit orientée vers des praticiens formés à la pathologie cervicale grâce au label de qualité dans le cadre de la Charte de Qualité en colposcopie, afin d’éviter les surtraitements, les prise en charge et/ou informations inadéquates ou inadaptées à des patientes souvent déjà inquiètes, en attendant les éventuels progrès de l’intelligence artificielle et de reconnaissance d’image dont on commence à parler et qui ne tarderont pas à voir le jour...

Ces bouleversements liés à la place désormais centrale des HPV, demandera dans l’avenir de mieux connaitre la physiopathologie de l’infection à HPV afin d’informer et conseiller nos patientes au plus près de la réalité scientifique dans l’état actualisé de nos connaissances afin d’améliorer leur adhésion aux propositions de suivi ou parfois de traitement. En espérant surtout qu’une large participation à la vaccination des garçons et des filles, un dépistage plus étendu (et plus sensible) à la population cible entre 25 & 65 ans permettra en France comme dans d’autres pays de même niveau économique de faire régresser le cancer du col de l’utérus mais également les autres sites potentiels des infections à papillomavirus (anus et ORL).