Articles publiés par le Dr Jean-Luc Mergui dans Gynéco-online

Test HPV ou cytologie dans le dépistage du cancer du col

Depuis quelques années, on assiste à des «querelles» entre spécialistes du dépistage du cancer du col : faut-il remplacer le dépistage cytologique (qui a fait ses preuves depuis plus de 40 ans, en faisant chuter l’incidence du cancer invasif du col utérin dans les pays développés), par un test HPV dont la prévalence des anomalies serait plus élevée surtout chez les femmes jeunes autour de 25-30 ans (et donc inquiéter à tort la patiente et …le praticien).

Les partisans de la cytologie insistant surtout dans notre pays, sur l’absence d’organisation qui pourrait faire le lit d’une sur-exploration et partant d’un sur-traitement d’infections à HPV qui ne sont pas initialement des « lésions » à HPV potentiellement pré-néoplasiques et par le manque de couverture du dépistage qui tourne autour de 50-60% de la population cible.

Des efforts doivent être faits dans ce sens et c’est d’ailleurs l’un des points clés du plan cancer présenté début février 2014.

Mais, si une organisation visant à augmenter la couverture du dépistage doit être mise en place au niveau national, ne faut-il pas, au regard des résultats publiés dans la littérature internationale et tout particulièrement Européenne, adapter le mode dépistage aux réalités scientifiques modernes et remplacer le dépistage cytologique par un dépistage virologique ?

Les résultats de l’étude ARTISTIC au royaume uni viennent d’être publiés, ils consistent en l’étude de comparaison de l’efficacité du dépistage cytologique et virologique après 3 rounds de dépistage triennal, toutes les patientes ayant un frottis cytologique, un test virologique et un Genotypage partiel, la durée moyenne de surveillance étant de 72.7 mois au cours du 3 ème round.

Au premier round 16% des patientes étaient HPV positives (Hybrid captur HC2+) dont 40% HPV+ entre 20-24 ans et 7% après 50 ans, par comparaison les anomalies cytologiques étaient de 13% (ASCUS/bas grade) et 2% de haut grade cytologique (soit 15%).

Après une cytologie initiale positive le taux de CIN2+ était de 20.5%, il était de 20.1% après un test HPV+.

Le taux cumulé de CIN2+ après 3 rounds de dépistage était de 0.87% (95% CI 0.70% to 1.06%) lorsque le test HPV était négatif alors que ce même taux était significativement plus élevé après une cytologie initialement négative 1.41% (95% CI 1.19% to 1.65%).

Les patientes qui étaient initialement HPV négatives avaient un taux de protection vis-à-vis des CIN2+ identique après 6 ans à une cytologie négative après 3 ans !

De même les patientes HPV+/ cyto Neg. avaient un taux cumulé de CIN2+ à 6 ans égal à 7.7%, significativement supérieur à celui des patientes cyto+/HPV neg. qui était de 3.2%.

Par ailleurs les patientes initialement HPV 16+ présentaient (à 6 ans) un taux cumulé des CIN2+ de 43.6% significativement supérieur à celui d’une simple positivité pour un test HPV  qui était de 20.1%.

Quand au rapport cout-efficacité il était dans tous les cas de figure, favorable à l’utilisation du Test HPV en dépistage primaire avec une réduction de cout de 7-18% par an chez les patientes non vaccinées et de 9-22% chez celles qui ont été vaccinées.

L’utilisation du Genotypage partiel (avec identification des HPV 16-18) avec transfert en colposcopie des patientes positives pour ces virus, était supérieur au co-testing (HPV+ FCU) avec une économie de 83 années-femme pour 100.000 femmes dépistées avec, comme inconvénient, une augmentation du nombre de colposcopies pratiquées au royaume uni de 20%.

Malgré la forte prévalence des HPV chez la femme jeune, les auteurs précisent que l’utilisation d’un dépistage cytologique entre 25 et 30 ans suivi d’un dépistage virologique après 30 ans sera beaucoup plus couteux et moins efficace que le seul test HPV des l’âge de 25 anssous réserve que la surveillance et les recommandations soient respectées, ce qui n’est pas toujours le cas !

Mais les auteurs suggèrent (comme doit bientôt le faire une recommandation européenne) de modifier les stratégies actuelles de dépistage en remplaçant la cytologie par le Test HPV.

D’autant que par ailleurs une récente méta-analyse semble montrer que l’autotest HPV réalisé à domicile par les patientes réfractaires (ou réticentes à consulter) au dépistage pourrait augmenter significativement leur participation et donc la prise en charge de plus de CIN2+ que ne le ferait une stratégie de reconvocation, voire même de démarchage par porte à porte…

Bien entendu ces grandes modifications de stratégie ne pourront se faire brutalement et, la mise en place de recommandations devant un test HPV+/ Cytologie négative devront être précisés (voir encadrés), de même que l’âge au début du dépistage et l’intervalle entre 2 tests.

 

The clinical effectiveness and cost-effectiveness of primary human papillomavirus cervical screening in England: extended follow-up of the ARTISTIC randomised trial cohort through three screening rounds.

C Kitchener H, Canfell K, Gilham C, Sargent A, Roberts C, Desai M, Peto J.

Health Technol Assess. 2014 Apr;18(23):1-196. doi: 10.3310/hta18230.
 

Pour en savoir plus:

Cervical cancer screening: on the way to a shift from cytology to full molecular screening.

Dijkstra MG, Snijders PJ, Arbyn M, Rijkaart DC, Berkhof J, Meijer CJ.

Ann Oncol. 2014 May;25(5):927-35. doi: 10.1093/annonc/mdt538. Epub 2014 Jan 19

Accuracy of human papillomavirus testing on self-collected versus clinician-collected samples: a meta-analysis.

ArbynM, Verdoodt F, Snijders PJ, Verhoef VM, Suonio E, Dillner L, Minozzi S, Bellisario C, Banzi R, Zhao FH, Hillemanns P, Anttila A.

Lancet Oncol. 2014 Feb;15(2):172-83. doi: 10.1016/S1470-2045(13)70570-9. Epub 2014 Jan 14